Marguerite Yourcenar (1903-1987)
Marguerite Yourcenar (1903-1987)
Le 8 juin 1903 naît à Bruxelles Marguerite Cleenwerk de Crayencour, dont le père fait partie de la noblesse du Nord de la France, et la mère de la noblesse belge. Sa mère, Fernande, meurt dix jours après la naissance de sa fille, des suites de l’accouchement. Jusqu’en 1911, elle vit au Mont Noir, dans la propriété de sa grand-mère paternelle, Noémi, passant l’hiver à Lille, puis bien vite dans le Midi de la France. Deux figures féminines semblent compter pour l’enfant : sa gouvernante, Barbe et Jeanne de Vietinghoff, une amie de sa mère.
En 1912 son père, Michel, vend le château familial et s’installe à Paris. Marguerite a une institutrice privée, visite les musées, assiste aux matinées théâtrales et fait de nombreuses lectures. Ils séjournent aussi souvent à Westende, où Michel a acheté une villa.
En 1914, dès le déclenchement de la guerre, son père et elle partent pour l’Angleterre ; elle commence à apprendre, à sa propre demande, le latin et, pour l’occasion, son père se remet aux langues anciennes. En 1915 ils reviennent à Paris, où ils restent jusqu’en 1917 ; Marguerite poursuit des études privées : latin, grec.
Pendant les années 1917-1922, le père et la fille vivent dans le Midi : Menton, Monte-Carlo : casino pour le père, études privées en dehors de tout cadre scolaire et lectures pour la fille, qui passe à Nice son bac latin-grec en 1919, année où elle compose aussi Le Jardin des Chimères (publié en 1921 sous le pseudonyme de Marg Yourcenar). C’est l’époque également où elle écrit les poèmes de Les dieux ne sont pas morts. Elle commence vers 1921 un immense ouvrage, Remous, qui n’aboutira pas, mais qui constitue comme la matrice de son œuvre romanesque à venir.
À partir de 1922, Marguerite et Michel effectuent plusieurs séjours en Italie. En 1922 Marguerite est à Milan et Vérone et assiste à la « marche sur Rome » de Mussolini : il en restera quelque chose dans Denier du rêve, dont la première version est de 1934. En 1924, elle visite la villa Adriana à Tivoli, et elle indique que cela la détermina à s’intéresser de plus près à l’empereur Hadrien. En 1925, à Naples, elle découvre le château Saint-Elme et en utilise le cadre pour ce qui deviendra « D’après Greco », puis Anna, soror…
De 1926 à 1929, Marguerite Yourcenar se trouve le plus souvent en Suisse où son père suit des traitements médicaux ; il meurt en janvier 1929 à Lausanne, mais il a eu le temps de lire et d’apprécier Alexis ou le Traité du vain combat, premier véritable ouvrage publié par sa fille (1929). L’année précédente, elle a fait paraître en revue un conte, inspiré de l’Orient, « Kâli décapitée ». Au cours de cette période, elle rédige un Pindare, qui sera publié en 1935. Elle publie dans des revues des essais, des poèmes.
Dans la décennie d’avant-guerre, elle voyage beaucoup : Paris, la Belgique, l’Europe centrale. Elle écrit Le dialogue dans le marécage et, en 1931, publie La Nouvelle Eurydice. C’est surtout la Grèce qui la retient. Sortant d’une crise passionnelle avec l’homme de lettres André Fraigneau, dont elle était amoureuse, mais qui lui préférait les garçons, elle effectue en 1935 une croisière en Mer Noire et commence à Constantinople la rédaction de Feux ; l’année précédente, en 1934 sont parus Denier du rêve ainsi que La Mort conduit l’attelage, qui est à l’origine de L’Œuvre au Noir, d’Anna, soror… et d’Un homme obscur. Elle traduit aussi le poète grec Constantin Cavafy avec l’aide de Constantin Dimaras.
En 1937 elle rencontre à Londres Virginia Woolf, dont elle a entrepris de traduire The Waves. La même année elle fait la connaissance à Paris d’une Américaine, Grace Frick ; elle voyage avec elle en Grèce, en Italie et séjourne aux USA de septembre 1937 à avril 1938. Puis elle revient en Europe et rédige à Capri Le Coup de grâce (publié en 1939). Les Songes et les Sorts sortent en 1938.
En 1939, au début de la seconde guerre mondiale, après avoir vainement tenté d’obtenir une mission culturelle en Grèce, elle s’embarque à Bordeaux pour les USA sur une invitation de Grace Frick. Elle prévoyait d’y passer 6 mois, mais elle y demeure 11 ans. Elle y effectue une tournée de conférences, puis, de 1940 à 1949 (et quelques mois de 1952 à 1953) elle enseigne à mi-temps le français à Sarah Lawrence College dans la banlieue de New York : pour la première fois de son existence, elle découvre la nécessité de travailler pour gagner sa vie. Elle se tourne vers l’écriture pour le théâtre : en 1942, elle compose Le Mystère d’Alceste, en 1943, Électre ou la Chute des masques ainsi que La Petite Sirène.
En 1947, elle publie une traduction de What Maisie knew – Ce que savait Maisie, de Henry James, réalisée, en fait, dès 1939.
En 1950 elle acquiert dans l’île des Monts-Déserts une petite villa appelée « Petite Plaisance », qui sera sa demeure.
Elle traduit aussi des negro spirituals et des poèmes grecs, qui donneront respectivement Fleuve profond, sombre rivière (1964) et La Couronne et la Lyre (1979).
En mai 1950 elle revient en Europe : Paris, Suisse, Italie, Espagne. Elle publie en 1951 Mémoires d’Hadrien, autobiographie imaginaire de l’empereur romain du second siècle, à laquelle elle travaille intensément depuis plusieurs années et qui reçoit, l’année suivante, le prix Femina-Vacaresco.
En 1952 elle rédige les « Carnets de notes de Mémoires d’Hadrien » et elle rentre aux USA ; jusqu’en 1971 sa vie sera ponctuée de nombreux voyages en Europe avec retours aux USA. En 1954, elle visite le nord de la France de son enfance. En 1956, elle publie le recueil de poèmes Les Charités d’Alcippe et commence à travailler à L’Œuvre au Noir.
Marguerite Yourcenar s’intéresse surtout à partir du milieu des années cinquante aux questions de société, de surpopulation, de protection de la nature, au problème de la paix dans le monde
En 1958 paraît Présentation critique de Constantin Cavafy. En 1959 Marguerite Yourcenar publie « une version profondément remaniée » de Denier du rêve. L’année suivante, elle compose Qui n’a pas son Minotaure ? à partir d’« Ariane et l’Aventurier » (1934/1939). En 1961, elle donne une version dramatique de Denier du rêve : Rendre à César. En 1962, c’est le recueil d’essais, Sous bénéfice d’inventaire, qui paraît.
En 1968 sort L’Œuvre au Noir. Les honneurs se multiplient : prix Femina (1968), réception à l’Académie royale de Belgique (1971), prix littéraire de Monaco (1972), grand prix national de la culture (1974), grand prix de l’Académie française (1977).
De 1971 à 1979, à part quelques brèves absences, elle reste à « Petite Plaisance » en raison de l’état de santé de sa compagne Grace Frick, qui va mourir des suites d’un cancer du sein le 18 novembre 1979. Marguerite Yourcenar travaille à Souvenirs pieux (paru en 1974) et à Archives du Nord (paru en 1977).
Parution de La Couronne et la Lyre en 1979.
À partir de 1980, Marguerite Yourcenar va reprendre sa vie de nomade en compagnie de Jerry Wilson, jeune homme qu’elle a rencontré en 1978 et qui faisait partie de l’équipe de TV française qui était venue tourner à « Petite Plaisance » sous la direction de Maurice Dumay Le pays d’où je viens. En février 1980, au cours d’une croisière dans les Caraïbes, elle apprend son élection à l’Académie française. Sa réception a lieu le 22 janvier 1981.
Elle s’intéresse depuis longtemps au Japon et à Mishima et fait paraître en 1981 l’essai Mishima ou la Vision du vide. Elle publiera une traduction de ses Cinq nô modernes en 1984.
En 1982 sort Comme l’eau qui coule, qui comprend les nouvelles Anna, soror…, Un homme obscur, Une belle matinée. C’est en 1982 aussi que paraît le volume de ses Œuvres romanesques dans la collection “Bibliothèque de la Pléiade”, en 1983, le recueil d’essais Le Temps, ce grand sculpteur, et, en 1984, Blues et Gospels, textes traduits et présentés par Marguerite Yourcenar, avec photographies réunies par Jerry Wilson.
Elle voyage aussi en Europe, revient après des décennies au Mont Noir. En 1981, elle séjourne, entre autres, au Maroc, en Espagne, au Portugal ; en 1982, en Égypte, en Grèce, au Canada, au Japon ; en 1983 en Thaïlande, en Inde, en Grèce, à Paris, à Amsterdam, où elle reçoit le prix Érasme, au Kenya, où elle est victime d’un accident de circulation ; en 1984, Marseille, Londres, les USA, Montréal, Paris, Amsterdam. En 1985, c’est l’Inde ; mais, son compagnon Jerry Wilson étant gravement malade du SIDA, elle abandonne le projet d’un voyage au Népal et rentre aux USA.
En septembre de cette même année 1985, elle a une crise cardiaque et subit, le mois suivant, un quintuple pontage coronarien.
Le 8 février 1986 Jerry Wilson meurt à Paris. Marguerite Yourcenar voyage en avril-juin aux Pays-Bas, en Belgique, à Paris, en Autriche, en Suisse et passe l’hiver au Maroc. En 1987 elle rentre aux USA, après un séjour en Europe. Elle prononce à Québec l’allocution d’ouverture de la 5e conférence internationale de droit constitutionnel, consacrée alors à l’environnement, un thème qui la préoccupe de plus en plus.
Elle travaille depuis 1982 à la suite de son “autobiographie”, Quoi ? L’Éternité, qu’elle n’achèvera pas.
En novembre 1987 sort des presses La Voix des choses, recueil de textes choisis par Marguerite Yourcenar avec photographies de Jerry Wilson.
Le 8 novembre 1987, elle est victime d’un accident cérébral et elle meurt le 17 décembre à l’hôpital de Bar Harbor.
Seront publiés à titre posthume Quoi ? L’Éternité (1988), le recueil d’essais En pèlerin et en étranger (1989), le recueil d’essais Le Tour de la prison (1991), le volume de la “Bibliothèque de la Pléiade” Essais et Mémoires (1991), Conte bleu, Le premier soir, Maléfice (1993), Sources II (1999).